Discours d’Alain Merly lors de la session du 24 novembre
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Une décision modificative n’a pas pour vocation de déterminer les lignes de la gouvernance. Elle procède aux ajustements budgétaires nécessaires au fonctionnement de l’institution.
Il me revient donc de vous exprimer l’avis des élus d’opposition sur les rapports présentés à l’occasion de cette session.
Nous approchons désormais à grand pas des élections départementales qui se dérouleront en mars prochain. Cet état de faits n’aura, évidemment, échappé à personne. Nous sommes entrés dans une période pré-électorale, période de tension qui donne à cette session un goût particulier.
Cette période est aussi un moment difficile pour la collectivité. La gouvernance se tend, les services attendent de nouvelles directives, et l’on ressent une certaine paralysie du Conseil général, que vous avez du mal à masquer.
C’est pourquoi, dans ce contexte, vous avez choisi d’enchaîner des effets d’annonce et de travestir la réalité de vos résultats. Une stratégie de communication avant tout qui, hélas, fragilise le Département.
L’actualité récente et les rapports présentés dans le cadre de cette session illustrent cette stratégie.
Nous constatons effectivement une suite d’annonces bien opportunes à l’approche des élections. Nous apprenions jeudi dernier que les études du pont et du barreau de Camélat seront inscrites au prochain contrat de plan Etat-région. C’est une bonne nouvelle monsieur le Président. On ne sait pas combien, ni quand, ni même si le gouvernement ne reviendra pas sur sa décision comme il en a pris l’habitude. Mais l’important c’est qu’on l’annonce, et qu’on l’annonce maintenant !
Le MIN d’Agen sera modernisé nous dites-vous aujourd’hui. Nous n’allons pas bouder notre plaisir, nous qui réclamons depuis des années, à l’instar des concessionnaires du MIN, des travaux de modernisation. Mais il faut tout de même rappeler que la gauche dispose de la présidence du syndicat mixte depuis 10 ans. Que rien n’a été fait depuis 10 ans. Que l’étude que vous nous présentez aujourd’hui date de 2011, basée sur des chiffres de 2009, et que votre rapport ne contient aucun engagement précis à réaliser cette modernisation. Un pur effet d’annonce donc, sans aucune consistance.
Vous nous apprenez également qu’une maison d’accueil temporaire sera bientôt ouverte à Seyches. Un timing et une localisation évidemment fortuite dans le contexte actuel.
Et nous attendons avec impatience les annonces que vous ferez en janvier ou février, au plus proche de l’échéance départementale, tant sur le pont du Mas d’Agenais que sur l’implantation du Center Parcs. Dans ce dossier, sur lequel vous ne manquerez pas d’axer votre propagande, vous retardez à dessein l’annonce du lieu d’implantation. Vous pensez qu’elle sera plus rentable en début d’année.
Nous voyons également à quel point vous tentez de maquiller votre gestion derrière des paravents de modernité et de volontarisme. Un mot que vous utilisez avec beaucoup de facilité, sans doute persuadés qu’il anesthésiera la faculté d’analyse des Lot-et-Garonnais.
Nous avons soutenu l’idée des clusters, qui peut aider à la croissance et à la création d’emploi. Attention toutefois de ne pas sombrer dans la “cluster-mania” et de ne proposer que des coquilles vides au monde de l’entreprise, qui a plus besoin d’actions véritables que de schémas fumeux.
Regrouper quelques entreprises, les réunir et faire une belle photo, ne suffira pas à lancer une dynamique de croissance. Je redoute que votre politique de cluster se réduise à de l’affichage, dans le but d’occulter votre incapacité à porter des projets structurant pour le territoire.
Même constat concernant les routes. Vous vous cachez derrière quelques réalisations, et un mirifique plan de modernisation, pour faire oublier que vous avez réduit de moitié, en six ans, les investissements dans les infrastructures routières.
Pire, vous avez le culot de dire que les travaux de la N21 apporteront une bouffée d’oxygène aux entreprises de travaux publics, alors même que votre absence d’investissement leur a coupé la respiration.
Mais c’est encore en matière de finances que votre art du camouflage mérite d’être relevé. Vous parvenez à réduire de 8 millions d’euros le recours à l’emprunt grâce à deux recettes exceptionnelles : le versement d’une partie du canon prévu dans le bail emphytéotique relatif aux gendarmeries, et la vente du Relais du Lys à Cauterets.
Comme prévu, et comme nous l’avions dénoncé lors de la signature du bail emphytéotique, vous vendez les bijoux de famille pour donner un visage plus présentable aux finances du Département avant les élections !
Cette fuite en avant porte la marque de votre gestion du Conseil général, et m’oblige à penser que si vous êtes un excellent communicant, vous êtes aussi un piètre gouvernant.
Nos débats ont cependant une importance que nous devons relativiser tellement le contexte général pèse sur notre quotidien.
L’incertitude quant à notre collectivité plane au-dessus de nos têtes : qu’en sera-t-il demain de l’échelon départemental ? Ni vous, ni moi, ne pouvons répondre à ces légitimes interrogations.
Comment en effet construire sereinement les lignes d’une politique départementale sans précisions sur le sort de ces territoires ? Sans connaître les compétences qui leur seront attribuées. Sans connaître non plus les leviers budgétaires qui leur permettront de vivre.
D’une mort annoncée au plus haut niveau de l’Etat, nous passons au plébiscite de l’action départementale : des allers et retours trop fréquents pour emporter nos convictions.
Les textes de loi discutés à Paris affichent clairement le renforcement de l’échelon régional, laissant croire à l’idée d’une sous-traitance des dossiers à l’échelon départemental.
Le Lot-et-Garonne, petit département rural, aura peu de représentants à la région. Et comme l’ensemble des territoires ruraux, totalement méprisés par les énarques parisiens, il sera réduit à la portion congrue, celle que représentera son poids démographique.
Mais plus que vos acrobaties budgétaires. Plus que les menaces qui pèsent sur le département. Plus que la nouvelle définition des périmètres régionaux. Je m’inquiète de l’avenir de notre pays.
Je m’inquiète, monsieur le Président, de la montée inexorable du chômage. Des difficultés croissantes de nos petites entreprises, qui sont aussi celles qui créent l’emploi. Je m’inquiète de l’échec de votre politique d’éducation, de votre politique familiale, de votre politique sociale, qui à vrai dire, sont autant de coups portés à l’équilibre de notre territoire.
Que pèsent vos décisions ? Et puisque vous aimez ce mot, que pèse le volontarisme dont vous vous gargarisez continuellement face à l’entreprise de démolition orchestrée depuis Paris ?
Je ne suis pas de ceux qui pensent que les bons sont d’un côté, et les mauvais de l’autre. Mais force est de constater qu’on vous trouve toujours, hélas, chers amis de la majorité, aux côtés de ceux qui alourdissent le fardeau de l’initiative, le fardeau de la bonne volonté, le fardeau de l’audace. Et permettez moi de le dire, puisque je le pense, le fardeau de la raison.
La politique départementale, la façon dont vous la conduisez, s’inscrit en droite ligne de la politique nationale. Vos priorités vont dans le même sens que celles du gouvernement que vous soutenez.
Vous n’aviez de cesse, avant 2012, de nous ramener dans les cordes de l’action nationale. Il est juste que nous fassions le parallèle : vous êtes désormais comptables de l’échec dramatique de la politique nationale.
Voilà à vrai dire quel sera l’enjeu des futures échéances départementales. Et vous ne pourrez pas dissimuler le drapeau que vous brandissiez hier avec ostentation et fierté.
Il sera temps bientôt d’aborder votre bilan. Vous le trouvez bon. L’inverse aurait été surprenant. Mais il ne suffit pas de répéter cent fois une contrevérité pour qu’elle devienne une réalité !
Je pense, moi, qu’il vous sera difficile de triompher sur une augmentation du chômage et sur une diminution des créations d’entreprises. Qu’il vous sera difficile de triompher sur une institution dont l’un nous dit qu’elle doit disparaître en 2020, et l’autre qu’elle sera maintenue.
Votre bilan est mauvais. Le chômage progresse en Lot-et-Garonne (+ 5,7 % sur un an), les créations d’entreprises chutent (- 13,6 % sur un an), votre investissement dans le développement économique a baissé d’un tiers en 6 ans. Et vous réussissez la prouesse de faire exploser la dette en réduisant drastiquement l’investissement !
Quant aux élus d’opposition, si peu considérés, ils formeront jusqu’à la fin de ce mandat une opposition constructive. Comme nous l’avons fait jusqu’à présent, nous voterons les rapports qui nous paraissent aller dans le bon sens ou correspondre à une action légitime de la collectivité.
Et nous proposerons aux Lot-et-Garonnais, le moment venu, un projet d’alternance crédible et ambitieux, qui coupera définitivement avec les artifices politiques employés depuis 2008.
Je vous remercie.