« Vous êtes de piètres gestionnaires ! »
Discours de Guillaume Lepers, Président du groupe L’Avenir ensemble, lors de la session du 31 mars relative au vote du budget primitif 2016.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
L’exercice auquel nous nous adonnons aujourd’hui est un exercice particulier. Particulier, parce que ce budget primitif intervient dans un contexte singulier, marqué par l’évolution des compétences du Département, et par les difficultés financières que nous connaissons.
Mais particulier, aussi, parce que ce budget fut précédé d’une réflexion commune sur notre avenir financier.
La commission de « refondation des politiques départementales », que nous avons appelé de nos vœux, a constitué un véritable espace d’échange sur les finances du Département. Avec l’ensemble des forces politiques qui composent cette assemblée, nous avons su, à mon sens, dépasser nos visions partisanes pour porter un regard clair et pertinent sur nos finances.
Cet exercice, dicté par la situation exceptionnelle de notre collectivité, fut riche et salué par l’ensemble des participants. Mais une question doit être posée : fut-il utile ? A-t-il véritablement permis de réorienter les interventions du Département ? De dégager des sources d’économies ? De définir une méthode ?
Je n’ai pas le sentiment de retrouver dans ce budget primitif l’esprit qui a animé nos échanges dans le cadre de cette commission spéciale. Et je vous le dis très clairement : je porte même un regard sévère sur votre programmation budgétaire, car j’estime que vous n’êtes pas à la hauteur des enjeux.
Vous n’êtes pas à la hauteur des enjeux, d’abord, parce que vous ne parvenez pas à dégager des économies de fonctionnement. Il s’agit pourtant d’un sujet sur lequel nous étions d’accord : nous devons trouver des sources d’économies dans les dépenses de fonctionnement. C’est même le levier d’économies à privilégier, à l’instar de nombreuses autres collectivités.
Nous nous étions accordés sur un objectif de réduction de 10 % des dépenses des services. Vous limitez cet effort aux dépenses à caractère général, ce qui n’est pas suffisant.
Je suis plus sévère encore sur votre gestion des charges de personnel. Non seulement je n’ai jamais obtenu les données réclamées à chaque réunion, qui nous auraient permis d’avoir un diagnostic pertinent, mais je constate une fois de plus que vous ne percevez pas l’urgence de la situation et prévoyez seulement une « stabilisation » de la charge salariale en 2018.
Pire, votre gestion devient coupable quand, dans cette période de grandes difficultés budgétaires, vous accroissez volontairement les dépenses de personnel. Vous avez créé 15 postes de catégorie A depuis 2 ans ! 10 pour la seule année 2015 !
Vous nous répondez que les effectifs sont stables et que ce sont des mesures nationales qui font augmenter la dépense. Je m’interroge alors : comment faites-vous pour créer 10 postes de catégorie A en 2015 et garder des effectifs stable ? Je ne vois qu’une seule explication : vous dégraissez en-bas de l’échelle pour engraisser en-haut !
Mais il y a encore pire : vous inscrivez au budget 5 postes supplémentaires d’administrateurs, le très haut de l’échelle ! Des postes qui, s’ils étaient pourvus, coûteraient extrêmement cher à la collectivité.
Enfin, et pour finir sur ce thème, la mise en place des tickets restaurant, pour un coût de 350 000 € annuels, constitue, dans la situation actuelle, une ineptie totale. Nous avons bien conscience que les agents de la collectivité méritent une revalorisation de leur pouvoir d’achat, mais ils peuvent aussi comprendre que nos difficultés financières ne permettent pas une telle dépense.
Dans le contexte actuel, une telle erreur de gestion est tout simplement inimaginable. Jamais une entreprise ne ferait une telle erreur, au moment où tous ses voyants sont au rouge.
D’autant plus que cette mesure s’accompagnera de la revalorisation du point d’indice, dont la première hausse est prévue en juillet, et qui coûtera à terme 2 milliards d’euros à l’ensemble des départements. Bien qu’éludée dans vos rapports, cette augmentation du point d’indice ne manquera pas d’impacter également les finances de notre collectivité.
J’en viens à la question des dépenses d’investissement. A l’issue des travaux de la commission spéciale, nous avions arrêté un principe fondamental : toucher le moins possible à l’investissement du Département. Tout simplement parce que le Département doit garder sa vocation d’aménageur du territoire, et parce que les entreprises du BTP, déjà fortement affectées par la baisse de la commande publique, ne doivent pas souffrir d’un nouveau désengagement du Département.
Je constate que vous ne respectez pas cet engagement. Vous aviez inscrit 70 M€ en dépenses d’investissement au budget primitif 2015. Vous inscrivez 51 M€ au budget 2016. C’est tout simplement un quart de l’investissement du Département qui est supprimé. Et cette baisse concerne en particulier les dépenses d’infrastructures : 22 M€ inscrits au budget 2015, 16,8 M€ cette année.
Vous préférez encore une fois réduire l’investissement plutôt que faire l’effort de réduire les dépenses de fonctionnement. Ce n’est pas une gestion responsable. Vous êtes de piètres gestionnaires !
Alors vous choisissez tout de même de vous attaquer à un certain nombre de régimes d’aides. Vous le faites avec volontarisme certes, mais nous ne comprenons absolument pas la méthode. Nous vous avions proposé, dès le début, de rentrer ensemble dans chaque régime d’aide pour déterminer ceux qui doivent être supprimés.
Or vous réalisez ce travail de façon unilatérale et arbitraire. Et vous supprimez en particulier de nombreux régimes d’aide en faveur des collectivités. L’aide à ces petites communes rurales qui vont subir, par ricochet, les difficultés financières du Département.
Je ne manque pas d’être étonné par la méthode : vous qui revendiquez à longueur de temps une méthode de concertation, vous avez été incapables d’interroger les maires sur la suppression de leurs régimes d’aides. Vous n’avez même pas été capables de les informer sur ce qui les attendait. A titre d’exemple : tous se demandent encore si le RKG sera maintenu cette année.
Monsieur le Président, inviter les maires à boire l’apéro, ce n’est pas ce que j’appelle concerter. Vous faites de la concertation cosmétique. De la concertation pour la photo. A aucun moment vous n’avez échangé avec les maires sur l’avenir des régimes d’aide.
Pas de concertation donc, mais pas d’études d’impact non plus. Quelles seront les conséquences des suppressions de régimes ? L’arrêt de l’aide à l’encadrement pour les accueils de loisir est, par exemple, une question particulièrement sensible. Il faut recentrer le Département sur son domaine de compétence, je suis d’accord. Mais l’arrêt de ce régime met en grande difficultés certaines structures. Elles devront trouver un moyen d’équilibrer leurs comptes, et vers qui se tourneront-elles : les familles, et les communes avec lesquelles elles travaillent.
Voilà pourquoi cette question devait faire l’objet d’un travail approfondi. Voilà pourquoi nous vous avions proposé une méthode de travail. Et voilà pourquoi la suppression de ces régimes suscite aujourd’hui beaucoup de remous.
J’arrive enfin à la question des dépenses sociales. Nous nous étions accordés sur l’idée d’inscrire au budget primitif le montant du RSA versé en 2014. Cette décision avait pour objectif de peser sur les négociations en cours entre le gouvernement et l’Association des Départements de France sur la renationalisation du RSA. Vous aviez même confirmé cette position en débat d’orientations budgétaires.
Or vous renoncez. Et en cela, non seulement vous ne respectez pas la position arrêtée avec les élus de cette assemblée, mais vous manquez manifestement de courage pour faire pression sur votre gouvernement.
Vous avez peur que cette position soit préjudiciable au Département, qui pourrait être sanctionné dans l’attribution de nouvelles aides. Mais ce qui est le plus préjudiciable, c’est l’attitude justement de votre gouvernement, qui a donné l’impression de vouloir sauver le département, pour finalement le laisser s’enfoncer. Pour finalement laisser filer le reste à charge et organiser la mort lente du département.
Et parce que Matignon manie à la fois la carotte de nouvelles aides exceptionnelles, et la bâton en mettant la pression sur les exécutifs socialistes, vous renoncez. Ce qui me fait dire qu’en plus d’être de piètres gestionnaires, vous manquez également de courage !
Je vous l’avez dit en introduction, mon appréciation est sévère, et elle ne le sera pas moins en conclusion. Car ma conclusion, c’est que votre budget est irréel. Notre situation financière est catastrophique et nos marges de manœuvre inexistantes : notre épargne nette sera bientôt négative ! Et vous êtes incapables de réduire les dépenses de fonctionnement.
Vous revendiquez une méthode de concertation que vous vous gardez bien d’appliquer dès que les sujets deviennent polémiques. Vous entretenez l’illusion que le Département agit alors que vous renoncez à une bonne part de l’investissement.
Et le pire, c’est qu’en plus d’être irréel, votre budget est insincère. Il l’aurait été délibérément si vous aviez choisi d’inscrire le montant du RSA 2014 pour peser sur les négociations ADF-gouvernement. Il l’est insidieusement, parce que vous usez de subterfuges comptables et parce que vous sous-évaluez certaines dépenses.
La neutralisation des amortissements, rendue possible récemment par le gouvernement, vous permet d’intégrer, de façon totalement artificielle, 24 M€ en recettes de fonctionnement.
Quant aux dépenses, vous tablez, par exemple, sur une progression de 4,6 % du RSA sur l’année 2016. Cette progression fut de 10 % l’an dernier en Lot-et-Garonne, et l’ADF prévoit une progression de 7,7 % du RSA cette année au niveau national. Votre prévision n’est pas sérieuse !
Nous ne voterons donc pas, vous l’aurez compris, un budget irréel et insincère. Irréels et insincères, comme les propos que vous tenez ce matin dans la presse Monsieur le Président.
Vous vous félicitez d’une baisse de 15 M€ du budget du Département. Je m’en féliciterais également s’il s’agissait d’une baisse des dépenses de fonctionnement. Or cette baisse repose en réalité sur une réduction de 18 M€ des dépenses d’investissement. Comment pouvez-vous être satisfait de cela ?
Pour conclure, j’aimerais vous demander une faveur : dites la vérité sur la situation du Département ! Dites la vérité sur ce budget, qui est historique, c’est vrai, parce que jamais n’avait été voté un budget insincère.
Dites clairement à quelles interventions vous renoncez. Ce n’est écrit nulle part dans les rapports de cette session.
Dites clairement que vous baissez l’investissement, au lieu de laisser croire le contraire dans la présentation de vos chiffres. Ayez le courage de monter au créneau contre votre gouvernement, parce que l’avenir des départements en dépend.
Le travail commun que nous avons entamé sur les finances du Département a démontré que nous étions capables, majorité et opposition, de tenir un discours de vérité sur les finances de la collectivité. Ce discours de vérité, je ne le retrouve pas aujourd’hui dans cet hémicycle.
Faites preuve de sincérité et de courage, et assumez enfin vos choix devant la représentation départementale ! Nous y gagnerons plus de transparence, et sans doute plus de respectabilité de la part de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Photo : © XC – CD47